L'ASSISTANCE EOLIENNE






Jacques Fine
Juin 2015
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Rouler plein vent arrière est extrêmement agréable, d’abord par ce que l’effort sur les pédales est moindre et surtout parce que cela donne l’impression que nos performances ont soudainement augmenté. Hélas, il faut vite déchanter, ce n’est pas une super forme qui nous anime mais nous venons de nous doter d’un VAE, c’est-à-dire d’un Vélo à Assistance Eolienne, une assistance qui pourra nous faire rouler bien au delà de la vitesse administrative de 25 km/h régissant la réglementation des VAE (E comme électrique cette fois).

Notre propos est d’essayer de quantifier cette assistance.

La relation exprimant la puissance nécessaire pour rouler à une vitesse V, avec ou sans vent, a été démontrée dans le document « Le vélo en équation ». Nous rappelons cette relation [1]:

formule1

On a adopté les notations suivantes en utilisant les unités familières aux cyclistes:

l

Dans cette relation, il faut mettre le signe + lorsque la vitesse du cycliste est inférieure à la vitesse du vent, c’est-à-dire si le vent apparent pour le cycliste vient de l’avant, car alors la résistance de l’air offre une force qui s’oppose au mouvement du cycliste. En revanche, il faut mettre le signe – lorsque la vitesse du vent est supérieure à la vitesse du cycliste, donc lorsque le vent apparent vient de l’arrière, auquel cas le vent procure une force motrice qui va dans le sens de la progression du cycliste.

On notera également que le coefficient de pénétration dans l’air est vraisemblablement différent si le vent apparent vient de l’avant, ce qui est le cas le plus fréquent ou s’il vient de l’arrière. On peut en effet penser que la face du cycliste ou son dos, ses vêtements, son casque peuvent conduire à cette différence. En fait, il faudrait mieux alors appeler le coefficient Cx « coefficient de poussée dorsale » lorsque le vent apparent vient de l’arrière.

Pour estimer la valeur de cette poussée, la méthode la plus rigoureuse serait de faire des essais en soufflerie. Faute de disposer du budget nécessaire, on peut se rabattre sur des méthodes moins précises. Il n’est évidemment pas possible d’utiliser la méthode suggérée pour évaluer ce coefficient lorsque le vent vient de face: mesurer la vitesse de stabilisation dans une descente en roue libre. Si l’on dispose d’un anémomètre, on peut songer à se positionner sur un plan horizontal, dos au vent, et à attendre que le vent veuille bien nous faire avancer. Le coefficient Cx se calcule alors en écrivant que la force motrice due au vent est égale à la force résistante, ce qui donne la relation :

formule2

Dans cette relation, on voit que la précision sur Cx est tributaire de la précision sur f et c’est très difficile d’avoir une valeur extrêmement précise de f.

Ne disposant pas de données sur la question, dans ce document, nous admettrons que Cx est le même que le vent apparent vienne de face ou de l’arrière.

Nous allons maintenant chercher à faire la part entre la puissance humaine et la puissance éolienne.

En l’absence de vent, pour rouler à une vitesse V, la puissance humaine P0 à fournir est :

formule3

Avec du vent, la puissance P1 totale est :

formule4

La puissance « éolienne » Pe apportée par le vent est donc : Pe = P0 –P1

On obtient alors les deux relations suivantes selon la direction du vent apparent :

Relation [2]: vent apparent de face

formule5

Relation [3]: vent apparent de l’arrière

formule6

Nous allons utiliser ces relations pour répondre à quelques questions.


Application 1. A quelle vitesse le vent peut-il nous faire rouler ?

Prenons trois cyclistes. Le premier est un « promeneur » qui développe une puissance de 100 watts. Le second est un « sportif » qui développe 200 watts et le troisième est un professionnel avec 400 watts.

Ces trois cyclistes sont caractérisés par un poids de 80 kg (cycliste et vélo) et par un coefficient Cx de pénétration dans l’air de 0.2.

La chaussée est une chaussée ordinaire caractérisée par un coefficient de frottement de 1%.

Les courbes de la figure 1 obtenues en résolvant l’équation [1] montre, en fonction de la vitesse du vent-arrière la vitesse que peuvent atteindre ces cyclistes sur un parcours totalement plat. La figure 2 est relative à un parcours en montagne avec une pente de 6%.

On peut constater que le vent est très efficace sur un parcours plat où la moindre brise permet déjà un gain de vitesse appréciable. Avec un vent très fort, on peut même dépasser la vitesse autorisée sur certaines routes (à condition d’avoir le développement adéquat) mais il n’est pas recommandé de rouler par un temps pareil car le risque de turbulences pouvant provoquer une chute est alors important.

En revanche, en montagne, il en va autrement. Pour un promeneur qui, en l’absence de vent grimpe à 6.4 km/h, passera seulement à 7.5 km/h si le vent force à 30 km/h, ce qui est déjà un bon vent. Un sportif passera de 12.3 à 13.8 km/h et un professionnel de 22.5 à 25.8 km/h.

fig1
fig2

Application 2. Quel est le gain de vitesse offert par le vent ?

Cette question n’est pas très éloignée de la précédente, elle est formulée différemment. C’est toujours la relation [1] qui donne la réponse. Sur les courbes des figures 3 et 4, on a représenté le gain de vitesse exprimé en % par rapport à la vitesse où l’on roulerait sans vent.

fig3

On constate que, sur le plat, le vent profite davantage au promeneur qu’au professionnel : avec un vent de 30 km/h, le promeneur augmente sa vitesse de 72% alors que celle du professionnel n’augmente que de 48%.

En montagne, c’est plus complexe. Le promeneur est défavorisé par faible brise mais très avantagé si le vent dépasse 30 km/h. Le professionnel, c’est l’inverse, il sera avantagé par faible brise et désavantagé par fort vent.

fig4

Application 3. Quel est le gain de temps en fonction du vent ?

Le temps T mis pour effectuer un parcours de X kilomètres est tel que X=VT. On en déduit :

formule7

D’où l’on tire :

formule8

Le gain en temps exprimé en % par rapport au temps mis pour effectuer le parcours sans vent se déduit donc des courbes des figures 3 et 4.

Les figures 5 et 6 donnent le gain de temps en fonction du vent pour nos trois cyclistes.

Comme pour le gain de vitesse, on constate que c’est le promeneur qui est le plus favorisé sur le plat. Avec un vent de 30 km/h, il gagnera 42% de temps. S’il avait prévu de faire un parcours de 22 km en une heure, il mettra 0.42 x 60 minutes = 25 minutes en moins, soit un parcours en 35 minutes.

En montagne, on fait la même constatation : le professionnel est avantagé dans les faibles brises mais dès que le vent forcit, c’est encore le promeneur qui devient le champion.

fig5
fig6

Application 4. Combien de watts peut fournir une assistance éolienne ?

Les relations 3 et 4 permettent de tracer les courbes présentées sur les figures 7 et 8 donnant la puissance éolienne en watt en fonction du vent. Ces courbes sont obtenues en admettant que nos trois cyclistes fournissent toujours leur puissance habituelle de 100, 200 et 400 watts.

fig7
fig8

On constate que sur le plat, la puissance éolienne atteint des valeurs phénoménales, bien supérieures aux 250 watts qu’apporte généralement une assistance électrique. Encore faut-il avoir le développement adéquat pour pouvoir pédaler. Ainsi un promeneur qui oserait sortir avec un vent de 40 km/h se verrait assisté par une puissance éolienne de 400 watts, ce qui porterait à 500 watts la puissance totale : il serait alors content de rouler comme un professionnel.

Mais en montagne, c’est fini, il faudra au promeneur attendre 45 km/h de vent pour avoir une assistance de 50 watts.

Application 5. Quel est le taux d’assistance éolienne ?

Sur certains modèles de VAE (électrique), l’assistance est actionnée par une manette où l’on dose le taux d’assistance par rapport à la puissance fournie par le cycliste. On peut, par exemple, demander une assistance où la puissance électrique est égale à la puissance humaine. Dans ce cas, on dira que le taux d’assistance électrique est de 50 % c’est-à-dire que la puissance totale se décompose en 50% de force humaine et 50% de force électrique.

Faisons de même avec l’assistance éolienne afin de comparer ces deux types de VAE.

Les courbes des figures 9 et 10 présentent le taux d’assistance éolienne pour nos trois cyclistes lorsqu’ils roulent en fournissant la même puissance humaine respectivement de 100, 200 et 400 watts.

On peut constater que sur le plat, le taux d’assistance éolienne est important : avec un vent de 20 km/h, le taux est supérieur à 50%.

En revanche, en montagne, pas de surprise, le promeneur n’est guère assisté, cela profite au professionnel lorsque le vent ne dépasse pas 30 km/h

fig9
fig10

Application 6. Peut-on rouler sans pédaler ?

Bien sûr, si le vent est très fort, on peut devenir un fétu de paille, il faudra peut-être même s’amarrer si l’on ne veut pas être emporté.

C’est encore l’équation [1] qui nous donne la vitesse du vent à partir de laquelle il ne faut plus pédaler.

Il suffit d’écrire que la puissance P est alors nulle. On obtient alors la vitesse du vent correspondant, soit :

formule9

Lorsque le vent augmentera, la vitesse du cycliste sera égale à :

formule10

Pour nos cyclistes standard, sur une chaussée à coefficient de frottement de 1%, la vitesse du vent apte à les faire avancer sans pédaler est de 22,8 km/h sur le plat. Pour gravir tout seul une pente à 2%, le vent doit être de 39 km/h et pour une pente à 4%, 51 km/h.

Les courbes de la figure 11 donnent la vitesse du cycliste en fonction du vent sur le plat, sur une cote à 2% et sur une cote à 4%.

Avec un vent de 60 km/h, sur le plat, on pourra atteindre 10 km/h. Ce n’est pas beaucoup et c’est dangereux.

fig11

Les marins sont beaucoup plus sensibilisés au vent que les terriens. Ci-dessous, nous avons reproduit l’échelle que l’amiral Beaufort a établie en 1805 en rappelant qu’un marin raisonnable reste au port par force 7 et plus.

fig12

"A bientôt et bon vent"





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