Pédaler en danseuse


Pédaler en danseuse consiste à ne pas s’asseoir sur la selle et à se dresser sur les pédales. Le mouvement de pédalage s’écarte alors notablement du pédalage assis. Notre propos est d’analyser ce mode de pédalage.
Lors du pédalage en danseuse, le poids du corps se répartit à priori sur le vélo en quatre points : deux points sur les pédales et deux points sur le guidon par l’intermédiaire des bras.

fig1

Fig.1. Répartition du poids du cycliste sur le vélo


En chacun de ces points, le cycliste exerce une poussée dont on peut estimer l’orientation comme sub-verticale. Il va surtout exercer alternativement une force importante sur les pédales. Ainsi, sur la figure 1, le cycliste exerce une forte poussée P1.
Il est logique de faire l’hypothèse que la force P2 exercée sur la pédale qui remonte est nulle.
Si le cycliste exerçait uniquement un effort P1 sur la pédale, il serait déséquilibré. En effet, la force P1 crée un couple dont la valeur est pP1, p étant la distance du point d’application de P1 à l’axe du vélo et rien ne s’opposerait à ce couple. Pour établir l’équilibre, il faut que le cycliste exerce un effort G2 sur le guidon, du coté opposé à P1.
L’équation de l’équilibre statique s’écrit :

p P1 + g G1= p P2+g G2

g étant la distance entre la main du cycliste et l’axe du vélo (en principe la moitié de la largeur du guidon).
En admettant P2=0 et G1=0, on a donc :

p P1=g G2

Par ailleurs, si le poids du cycliste est W, on doit avoir P1+G2= W puisqu’il n’y a que deux points d’appui du cycliste sur le vélo.
De ces deux équations, on tire la relation [1] :

form1

Application.


En prenant p=12 cm, g=20 cm, on a donc P1=0.625 W
Un cycliste pesant 70 kg peut donc exercer un effort de 43 kg sur la pédale, soit 430 N.
Cet effort est très important comme on va le voir en le transformant en puissance fournie.

fig2

Fig.2. Couple crée par P1

Lorsque la manivelle passe de la position verticale haute à la position verticale basse, soit lorsque l’angle θ passe de 0 à 180 degré (voir figure 2), nous admettons que la force P1 reste constante et que sa direction reste verticale.
Seule la composante tangentielle F de la force P1 est motrice. La valeur de cette composante est     F=P1 sin θ .
Elle varie lorsque l’angle θ varie de 0 à 180 degré.
Cette force F crée un couple C dont la valeur est m F, m étant la longueur de la manivelle.
On a donc :

C=m P1 sin θ

La figure 3 présente la courbe donnant la valeur de C en fonction de l’angle θ que fait la manivelle avec la verticale, courbe relative avec notre cycliste de 70 kg.
Le travail fourni lors d’un demi-tour de manivelle qui correspond à l’aire délimitée par la courbe et par l’axe horizontal du graphique est égal à l’intégrale I:

form2

Cette intégrale I est égale à : 2 m P1
Pour m=0,17 m et P1=430 N, le travail fourni est de 146 joules.
Par ailleurs, on notera que la courbe présente des points de rebroussement aux points morts haut et bas. On en déduit que pédalage sera saccadé et haché et que le cycliste ne tournera pas « bien rond ».

fig3

Fig.3. Evolution du couple de pédalage avec la rotation de la manivelle

Cette courbe théorique mériterait à être confrontée à une courbe expérimentale que l’on pourrait obtenir en plaçant un capteur de couple de type SRM dans le pédalier. Nous ne disposons pas de tels résultats expérimentaux. Si des lecteurs de ce document en disposaient, nous serions heureux d'en prendre connaissance afin de confirmer ou d'infirmer l'analyse ci-dessus ( contact@velomath.fr ).

Remarque. Dans le document « Le mouvement de pédalage », nous avons proposé la fonction suivante donnant l’évolution du couple en mode assis et caractérisant le style de pédalage de chaque cycliste:

C= m (H |cos nθ| + V sin nθ)
H, V et n étant des paramètres propres à chacun.

On peut remarquer qu’en mode danseuse, cette fonction représente également le couple en prenant H=0, n=1 et V=P1

Puissance


La puissance développée s’obtient en divisant le travail du couple par le temps mis pour effectuer ce travail.
Si l’on désigne par N la cadence de pédalage exprimée de façon classique en tours par minute, le temps mis pour faire un demi tour de manivelle, exprimé en secondes, est égal à 30/N.
La puissance fournie s’exprime par la relation [2] :

form3

Ainsi, si le cycliste pédale à une cadence de 90 tours par minute, ce qui correspond à faire un demi tour de manivelle en 0,33 secondes, la puissance développée sera de 442 watt.
Cette puissance est très forte, un cycliste ordinaire sera très vite exténué, sa fréquence cardiaque va augmenter. Pour fixer les idées, cette puissance correspond à celle nécessaire pour rouler à 45 km/h sur le plat ou pour monter le Ventoux à 22 km/h de moyenne, ce qui est du domaine des professionnels.
Sur la figure 3, on a représenté la courbe représentant le couple fourni par un cycliste qui développerait une puissance de 180 watt, c’est-à-dire par un cycliste qui roulerait sur le plat à 31 km/h ou qui monterait le Ventoux à 9,5 km/h. On constate la grande disparité des deux courbes : pédalage assis et pédalage en danseuse.

Moduler sa puissance en mode danseuse.

On vient de voir que pédaler en danseuse en laissant le poids de son corps prendre principalement appui sur une pédale conduit à une forte puissance qu’un cycliste ordinaire ne pourra pas fournir très longtemps. Comment réduire cette puissance pour qu’elle reste acceptable ? Il y a deux solutions :

Solution 1: réduire la force P1.

Pour diminuer P1, il faut qu’une partie plus importante du poids du cycliste se reporte sur le guidon.
Dans le mode de pédalage que nous avons examiné ci-dessus, nous avons pris G1 égal à 0. Si cela n’est pas le cas, les deux équations d’équilibre s’écrivent comme suit (relations [3]) :

p P1 + g G1= g G2
P1+G1+G2= W

De ces deux équations, on tire la relation [4] :

form4

On voit donc que, par rapport au mode de pédalage précédent, la poussée sur les pédales sera réduite de la quantité :

form5

soit de 1,25 G1 environ.

En réglant la force G1, le cycliste pourra donc adapter la puissance à ses capacités.
Remarque. Il est intéressant de savoir comment le cycliste peut se mettre en danseuse pour que la puissance soit la même qu’en mode assis et donc qu’en théorie il ne se fatigue pas plus en mode danseuse.
Notre cycliste de 70 kg développant sur le plat, en position assise, une puissance de 180 watt avec une cadence de 90 t/mn, en se mettant en danseuse, la force P1 qu’il devra exercer se calcule à partir de la relation [2], soit : 176 N
La répartition des forces G1 et G2 se calcule à partir des équations [3]. On trouve :
G1=209 N et G2=315 N
On constate que le poids à répartir sur le guidon est au total de 524 N, ce qui représente 75% du poids du cycliste. Ce dernier risque alors d’avoir mal aux bras.

Solution 2 : réduire la cadence.

La puissance étant proportionnelle à la cadence, la réduction de celle-ci conduira donc à une réduction de puissance, donc moins de fatigue. Cependant cette réduction de cadence reste limitée afin de conserver l’équilibre.

Conclusions.

Le mode de pédalage en danseuse permet de développer une très forte puissance, ce qui entraîne une fatigue bien plus grande qu’en mode assis.
Pour rester dans une puissance raisonnable, le cycliste peut réduire la cadence de pédalage et adapter son style en reportant une partie de son poids sur le guidon et non plus sur les pédales.
Signalons encore, comme tout cycliste peut aisément le constater, qu’outre l’avantage de fournir une forte puissance même si cela n’est que très temporaire, le mode danseuse permet aussi :



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