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Vous êtes sortis sans regarder la météo. Voilà qu’à 20 km de chez vous il se met à pleuvoir et vous n’aimez pas la pluie. Faut-il accélérer très fort pour éviter de trop se mouiller ? ou bien faut-il conserver son rythme ? Il y-a-t-il un comportement à adopter ? On va essayer de répondre à ces interrogations.

Quelques données sur la pluie

Les gouttes d’eau ont des dimensions variables suivant le type de précipitation :

Des mesures précises de la vitesse limite à laquelle tombent les gouttes sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Diamètre de la goutte en mmVitesse limite de chute en m/sVitesse limite de chute en km/h
0.41.626
1.24.0315
26.4923
59.0933

Il faut bien noter que la vitesse de tombée de la pluie est du même ordre de grandeur que la vitesse d’un cycliste, ce qui peut éventuellement permettre à un cycliste d’aller plus ou moins vite que la pluie. Cela a de l’importance comme on le verra plus loin.
L’intensité d’une pluie se définit par la hauteur d’eau exprimée en mm qui tombe sur le sol en une heure. Méteo-France adopte les qualificatifs suivants pour caractériser l’intensité des pluies :

Pluie faible continue1 à 3 mm par heure
Pluie modérée4 à 7 mm par heure
Pluie forte8 mm par heure et plus

Lors de certains évènements majeurs, les intensités observées atteignent et peuvent dépasser 100 mm/heure. Mais là, pas question pour qui que ce soit de mettre le nez dehors.
Un paramètre dont nous aurons besoin est la quantité d’eau contenue dans 1 m3 d’air, que nous appellerons teneur en eau t.

S’il tombe h mm d’eau en une heure, cela correspond à h litres sur 1 m2. En 1 seconde, il tombe donc h/3600 litres sur 1 m². Si la vitesse de la pluie est Vp m/s, l’eau qui tombe était contenue dans Vp m3.
La teneur en eau d’un mètre cube d’air est donc égale à :

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Par exemple, une pluie d’une intensité de 5 mm/h tombant à 4 m/s, correspondant à une teneur en eau égale à : 0.00035 litres soit 0.35 cm3/m3.

Facette verticale se déplaçant sous la pluie

Prenons une petite planchette rectangulaire, de hauteur a et de largeur b, et déplaçons la sous la pluie entre la ligne de départ AB et la ligne d’arrivée A’ B’, ces deux lignes étant séparées d’une distance x.
Appelons Vc la vitesse de déplacement de la planchette.
Le temps mis pour parcourir la distance X est donc égal à : T=x/Vc
Au moment du départ, l’arête A de la facette reçoit la goutte d’eau située en A. Au moment de l’arrivée, la goutte qui va percuter l’arête A’ de la facette est celle qui à l’instant du départ se trouvait à la verticale de la ligne d’arrivée en D à une distance g de A’ telle que :

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Fig.1. La facette AB est verticale

Pendant que la planchette parcourait la distance horizontale x, la goutte parcourait donc la distance verticale g et a percuté la facette à l’arrivée.

Répétons le même raisonnement pour l’arête B. La goutte de départ frappe la facette en B et à l’arrivée, la goutte qui frappe la facette en B’ se trouvait au départ à la distance g au point C. On peut refaire le même raisonnement pour toutes les gouttes qui frapperont la facette au cours du parcours.
On peut constater que les gouttes qui frapperont la facette sont celles qui, au départ, sont contenues dans la surface ABCD. Cette surface est un losange. L’aire de ce losange est ax.
Comme la facette a une certaine largeur b, les gouttes d’eau qui mouilleront la facette sont, au départ, contenues dans le prisme ayant l’aire de la facette pour base et la distance x pour hauteur. Le volume Q d’eau reçue sur la facette est égal à abxt.
On constate que ce volume est totalement indépendant de la vitesse de la facette et de la vitesse de la pluie. La facette verticale ne sera donc pas plus mouillée, qu’on la déplace vite ou lentement.

Faisons tout de suite une transposition à un cycliste. Si le visage du cycliste est assimilé à une petite surface plane verticale, alors le cycliste ne se mouillera ni plus ni moins s’il modifie sa vitesse. Cela est encore plus vrai pour un jogger dont le tronc est proche de la verticale.

Facette horizontale se déplaçant sous la pluie

Reprenons notre facette et plaçons là maintenant horizontalement. Répétons le même raisonnement. Les gouttes qui auront percuté la facette lorsque celle-ci sera allé de A vers A’ sont les gouttes d’eau qui, au moment du départ se situe dans le losange ABCD.

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Fig.2. La facette AB est horizontale

La superficie de ce losange est : ag

Le volume d’eau Q heurtant la facette est égal à :

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On voit donc que, pour une pluie de vitesse donnée, ce volume est inversement proportionnel à la vitesse du cycliste. Plus ce dernier va vite, moins il se mouillera.
On constate donc qu’une facette de surface donnée ab placée horizontalement recevra la même quantité d’eau que dans la position verticale si sa vitesse de déplacement est égale à la vitesse de tombée de la pluie. Si elle se déplace plus vite que la pluie, elle se mouillera moins et vice-versa.

Si on caricature la tête d’un cycliste par une facette verticale représentant son visage et une facette horizontale représentant son crane (ou son casque), on voit donc qu’il devra accélérer pour moins se mouiller. Cependant, il ne faut pas croire qu’en allant deux fois plus vite, on recevra deux fois moins d’eau. Avec une pluie de 2 mm par heure tombant à 4 m/s, la surface du visage et la surface du casque étant à peu près égale (on a pris 300 cm²), le calcul montre que le volume d’eau reçue sur la tête du cycliste sera de 131 cm3 à 15 km/h et de 99 cm3 à 30 km/h durant le temps nécessaire pour faire 1000 m.
C’est sur les parties plutôt horizontales que l’on risque de moins se mouiller en allant plus vite, donc le crane, les avant-bras, le dessus des chaussures, les cuisses. Si on s’équipe d’un bonnet de douche à placer sous le casque et de protèges-chaussure imperméables, alors il semble inutile de se presser.
Un « vélo couché », par contre, a intérêt à aller très vite sous la pluie.

Généralisation dans le plan

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Fig.3. Déplacement d’une facette inclinée sous une pluie oblique

Continuons à déplacer la facette dans un plan, comme précédemment, mais compliquons un peu la situation (voir figure 3):

Le raisonnement est le même: on définit la zone qui va heurter la facette. On ne détaillera pas les calculs. Le volume Q d’eau qui atteindra la facette est donné par les relations suivantes :

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On voit que la quantité q d’eau reçue sur une facette sera nulle si l’on a : i = a
Pour une pluie verticale, cette égalité est obtenue pour :

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Cela peut aussi se voir géométriquement et s’obtient lorsque la surface ABCD est nulle.
Ainsi, pour une averse tombant à 33 km/h, si le cycliste roule également à 33 km/h, il devra prendre une inclinaison i de 45 degré. S’il roule à 15 km/h, son inclinaison optimale sera de 66 degré, donc bien plus redressé. Pour une pluie ordinaire tombant à 15 km/h, le cycliste roulant à 33 km/h devra prendre un angle de 24 degré : il sera alors vraiment couché sur sa machine.

En conséquence, si l’on assimile le tronc du cycliste à une surface plane, il existe une position du cycliste où le tronc ne se mouillera pratiquement pas. Cette position est fonction du rapport entre la vitesse de la pluie et la vitesse du cycliste. Plus on roulera vite, plus il faudra se pencher sur l’avant et vice-versa. Il faut bien noter que cela est indépendant de la vitesse en valeur absolue du cycliste, on peut rouler à faible vitesse sans trop mouiller son buste ou son dos. Cela est utile à savoir si l’on a oublié sa veste imperméable. Sur la figure 4, on peut voir que le cycliste ne mouillera pas son maillot s’il est en position 3. En position 1 et 2, il mouillera son dos et en position 4 et 5, il mouillera son buste.


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Fig.4. Inclinaison du buste du cycliste

Généralisation dans l’espace

Compliquons encore le problème en le traitant en 3 dimensions. La facette peut avoir une orientation quelconque dans l’espace et la pluie également, elle peut frapper latéralement le cycliste et non plus de face ou d’arrière comme précédemment.
On va donc traiter le problème dans un repère Ox, Oy, Oz (figure 5)
On va déplacer la facette le long de l’axe Ox depuis A jusqu’en A’’, en parcourant la distance x0
Les angles définissant les orientations sont les suivants :


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Figure 5. Contexte tridimensionnel

Le raisonnement est toujours le même, on cherche à définir le volume aérien contenant l’eau qui s’abattra sur la facette durant son déplacement. Le temps mis par la facette pour aller de A à A’’ est égal au temps mis par la goutte pour aller de A’ à A’’. Le volume est un prisme dont la base est la facette.
La résolution du problème n’est pas excessivement compliquée en faisant appel à la géométrie analytique. Le principe de calcul est de déterminer les coordonnées du point A’ puis de calculer la distance de A’ au plan de la facette, distance qui correspond à la hauteur du prisme. On n’explicitera pas les calculs, on se contentera de donner les résultats.

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Pour obtenir, de manière rigoureuse, la quantité d’eau reçue par un cycliste, il suffit de décomposer la surface du cycliste en un grand nombre de facettes et de faire la somme des quantités q reçues sur chaque facette, en éliminant les facettes qui sont « à l’abri ». Nous laisserons au lecteur le soin de ces calculs en les adaptant à sa morphologie et à sa position sur le vélo !

Nous nous contenterons de regarder l’influence de l’orientation de la pluie en caricaturant la tête du cycliste par un cube et en calculant uniquement l’eau frappant la tête.
Les tableaux ci-dessous donnent, en fonction de la vitesse du cycliste, pour un parcours de 1000 m, sous une pluie d’intensité 2 mm/h et tombant à 4 m/s, la quantité d’eau exprimée en cm3 sur les 3 parties de la tête simplifiée et, pour chaque situation, la réduction d’eau gagnée en augmentant la vitesse. Pour se rendre compte du volume, on se rappellera qu’un pot de yaourt correspond à 120 cm3. On voit que doubler la vitesse n’apporte qu’une réduction de 24%, 29% ou 31% suivant les différentes configurations de pluie.

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Conclusions

Il est certain que pour moins se mouiller il vaut mieux aller plus vite mais aller deux fois plus vite, ce qui n’est pas donné à tous les cyclistes, ne permettra pas de se mouiller deux fois moins. Il faut aussi savoir quelle est la partie du corps la plus sensible à la pluie, on peut ne pas mouiller beaucoup son maillot même en allant doucement si on adopte une position adéquate sur son vélo.
Il est sûr que si l’on veut rester au sec, il vaut mieux prévoir un équipement. Il en existe beaucoup : la cape recouvrant tout le cycliste, la veste imperméable, des jambières, des couvre-chaussures, voire un parapluie et son support comme nos amis hollandais. Le problème est que ces équipements sont encombrants, ils sont destinés à être enfilés dès le départ et ne sont pas prévus pour être mis dans une poche pour servir le cas échéant. Personnellement, ce que je trouve gênant, c’est l’eau qui dégouline sur le visage ainsi que l’eau qui pénètre dans les chaussures : un « bonnet de douche » à mettre sous le casque et un couvre-chaussures constitué à partie d’un sac plastique, ce que les équipementiers à ma connaissance ne proposent pas, permettent de parer aux situations d’urgence.





auteur : Jacques Fine
Mars 2016



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